do I wanna know ||avec Capri||

La « Tanière Ensommeillée ». Lieu où j'ai recontré Toxic pour la première fois. Lieu où j'aurai appris à la connaître. En y repensant, je souris.

Allongée, la tête sur mes tête, je somnole. Je me rend discrète, si possible. Noire, petite, je me fond avec le décor.. ou presque. Il y a toujours un ou deux loups pour chercher les autres. Je soupire. Les mentalités n'ont pas changé. Pas même avec ce qu'il s'est passé.. avec la Horde. C'est même plutôt le contraire. Comme si tout ça les avaient perturbés..

Moi aussi, ça m'a changé, d'un côté. J'aurai peut-être du partir. Au fond, aurai-je été plus heureuse ? Plus libre ?

Je soupire encore. Mon coeur bat plutôt fort. Et j'ai l'impression que les autres l'entendent. J'ai fait, depuis ces derniers jours, des rencontres formidables. Et qui auront changé quelque peu ma vie. Je ne sais pas quoi penser. Est-ce que j'ai envie de savoir, au fond ? M'affronter à la réalité.

« Tanière Ensommeillée ». Quand on y pense, ce nom sonne bizarre. On l'a toujours appelé comme ça, comme on a toujours appelé la terre la Terre et les Souterrains les souterrains. Mais quand on y réfléchis bien, tout ces mots sont étranges, tout ces noms n'ont aucun sens, et.. et pourtant, on continue de les utiliser. J'imagine que c'est parce que ça nous rassure? Après tout, c'est rassurant de savoir que malgré nos rivalités avec tous les autres, on appelle chaque chose par un nom précis, et non pas par un nom variant d'un individu à un autre. Puisque chacun d'entre nous, au plus jeune des petits chiens au plus vieux des grands loups à besoin de pensées réconfortantes et d'espoir, de temps en temps...

Je relève la tête sans cesser de marcher, toujours en direction de cette « Tanière Ensommeillée » comme on l'appelle. Je gonfle mon poil qui commence à s'épaissir avec l'arrivée du froid encore plus mordant. Mes yeux voient encore parfaitement dans le noir. Du moins, je crois. Mais malgré tout, je sais qu'on peut les voir de loin tant ils sont clairs. Comme une lumière, pourrait-on dire. Je retiens un bâillement tandis que je me balade entre les corps endormis ou non de mes congénères, cherchant une place, même une toute petite, entre deux canidés.

La seule que je trouve est à côté d'une louve noire, du mur et d'autres loups. Tant pis. Je me roule en boule, m'éloignant le plus possible de la paroi gelée des Souterrains tout en prenant garde à rester à bonne distance des prédateurs au poil sombre. Je met ma queue sur la truffe, cachant ma tête et même mes yeux qui jusque là, permettaient qu'on me voit. Je devenais "invisible", va-t-on dire.

Le temps défile mais je n'arrive toujours pas à dormir. Je bouge beaucoup, me met sur le flanc, me remet en boule, met mes pattes devant moi de manière à poser ma tête dessus mais rien n'y fait, les bras de Morphée ne semblent pas décider à me bercer ce soir. Je me couche correctement, plaçant mes pattes antérieures sous mon poitrail, la tête levée. Mes yeux, à nouveau, brillent d'une faible lueur tandis qu'un soupir s'extirpe du fond de ma gorge. Un peu de buée apparaît devant mon museau, mais je n'y prend pas garde et regarde autour de moi, voir un peu mes "colocataires" d'une nuit ou deux.

La louve au poil noir est presque invisible dans l'obscurité de la nuit. Tout comme moi, elle ne fait pas un bruit. Elle ne dort pas. Elle pense. La tête posée sur ses pattes avant, elle semble désolée, totalement perdue dans ses pensées, peut-être ses souvenirs, qu'en sais-je? Il n'empêche qu'il me semble que nous pensons à la même chose. A cette horde qui, en quelque sorte, a empiété nos terres de toujours. Je lui jette un coup d'oeil discret: elle soupire. Pour la seconde fois, je crois.

Je redirige alors mon regard droit devant moi, dans le lointain, comme si j'observe quelque chose, mais mes yeux bleus n'aperçoivent que le noir de l'obscurité. Nos coeurs, à la noiraude et à moi, battent comme à l'unisson, je les entends et le sens. Puis je me souviens de cette louve aux yeux semblables aux miens. Elle était à la rencontre avec la horde. Tout à coup, mes babines bougent et je prononce, sans que ne sache vraiment pourquoi :

« A quoi penses-tu? »

Sûrement ai-je besoin de parler à quelqu'un. Et c'est sur cette parfait inconnue qui a, je le crois, les mêmes soucis que moi que c'est tombé. Triste paradoxe.

- A quoi penses-tu?

Je sursaute, et me relève à ses paroles. Me retournant, j'aperçois un.. un chien je crois, avec la pénombre je n'en sais trop rien. Seulement, ses yeux luisent de la même couleur que les miens. Un bleu glacial, désespéré et avide d'un peu de chaleur.

J'hésite avant de répondre. Est-ce que je peux lui faire part de mes pensées ? Il me semble que c'est privé et intime.. Mais au point où suis-je, en ai-je encore quelque chose à faire ? Que quelqu'un sache à quoi je pense. Non. Bien sûr que non, je n'en ai irrévocablement plus rien à faire, ça m'est égal, fichtrement égal même !

- Je me demande, si je n'aurai pas du partir avec eux. La.. Horde. Si je n'ai pas fait le mauvais choix en restant ici. Mais ils m'ont paru très étranges. Et je n'ai pas plus envie de partir quand je repense aux paroles de leur Alpha. Comment peut-il être aussi.. prétentieux ?

Les mots coulent doucement, certes, mais avec une certaine fluidité. Je parle trop, je le sais. Ils entendront mes paroles, car je crois parler un peu plus fort qu'à mon habitude. Je regarde l'inconnu. Sa teinte de prunelle me rappelle quelque chose. Un souvenir un peu flou, un peu vague. Il me semble que je l'ai déjà vu. Et, sans savoir pourquoi, cette couleur, ce personnage, aurait retenu mon attention et serait ancré dans une petite partie de ma mémoire. Juste à côté de toute cette mêlée et cet éboulement.

Ça y est. C'est celui qui avait les mots juste, ceux qu'il fallait, ceux qu'on pensait tous, lorsque tout le monde a fait connaissance avec la Horde.. J'associe alors l'inconnu avec le husky noir et blanc, que je peux presque définir comme un allié. Quelqu'un qui pense comme moi. Mais que je n'aille pas vite en jugement, peut-être est-il plus dangereux que je le crois. Je m'assois, et ne montre aucun signe d'agressivité. Je ne vois pas pourquoi je devrais l'être, d'ailleurs.

« Je me demande, si je n'aurai pas du partir avec eux. La.. Horde. Si je n'ai pas fait le mauvais choix en restant ici. Mais ils m'ont paru très étranges. Et je n'ai pas plus envie de partir quand je repense aux paroles de leur Alpha. Comment peut-il être aussi.. prétentieux ? »

« Que t'apporterais le fait de rejoindre la Horde ? Et est-ce ce que tu veux ? » Je fais une pause de quelques minutes pour lui laisser le temps d'y penser avant de reprendre. « Ce genre de décision, il n'y a que toi qui peut les prendre. J'ai beau avoir des arguments plus ou moins convaincants, peut-être à moi me paraissent-ils parfaits, mais autant à toi, ils ne sont que futilité. On a chacun une vision différente de la chose. Demande toi seulement ce que tu aimes chez les Souterrains, et ce qui t'attires vers leurs territoires... Et fait le bilan. On a souvent l'impression de faire le mauvais choix lorsque l'on fait le bon... Et vice-versa, malheureusement. »