« L'Inconnu est un petit chien inoffensif qui rugit comme un lion ! »

QUEEN ♦

Je marche, n'arrivant pas à trouver le sommeil. Je ne suis pas fatiguée, voilà trop longtemps que je reste assise, ou couchée, pour passer le temps. D'habitude cela ne me pose pas trop de problème. Mais depuis quelque temps quelque chose me tracasse. Et c'est, bien entendu, au sujet de ce passage vers la clarté. Je pourrai rejoindre les Loups, ceux qui fonctionnent en groupe, comme nos ancêtres. Mais cela signifie un non-retour. Une trahison. Et bien entendu, je ne suis pas prête à trahir mes compagnons de vie, pas les chiens, pas Toxic, non personne.

Je marche jusqu'au Passage -nom que j'ai entendu de la gueule d'autres-, un trou béant, la rampe vers la lumière. J'ai un peu mal aux pattes. Je n'ai plus vraiment l'habitude de marcher autant. Je reste dans l'obscurité, j'ai une certaine crainte de la lumière je l'avoue, autant que je l'envie. Peur de me brûler, peut-être ? Je reste dans l'ombre, et j'attends. J'attends n'importe quoi, un signe, quelqu'un. Une action.

Je ne monte pas vraiment la garde, juste que ceci m'intrigue. Que ce passe-t-il là-bas ? Quand nous fermons nos paupières ? Comment vivent-ils ? Y a-t-il aussi des conflits, comme ici bas ? Ont-ils assez de nourritures ? Car ils me semblent être en grand nombre. Le chef les a décrit comme une parfaite meute. Les miens ont pensé à une secte, à de la cruauté. J'avoue y avoir songé.

Soudain, j'entends un bruit qui provient de l'autre côté, je ne regardais plus vraiment. Je sursaute donc, et observe patiemment celui qui se trouve devant moi. Va-t-il me chasser ? Essayer de me tuer ? Mon corps se crispe, mon coeur bat à la chamade. Personne ne me viendra en aide si jamais il tente quoique ce soit. Je suis seule.

H.S:

-T'es bizzare toi.haha!

Evidemment.. Je suis presque sûre qu'il ne comprend pas. Quand on ne vit pas dans les Souterrains, on ne peut comprendre. C'est quelque chose contre nature. Tout le monde se déteste, mais tout le monde habite avec tout le monde.. Nous sommes bizarres.

Je lui souris, et rigole légèrement. C'est plutôt un compliment, en fait.

-Mais non..Aucune raison,je t'assure.

Il leva la tête vers le plafond, et moi aussi, afin de voir ce qu'il regardait.. Rien ?

-Oh..C'est là que tu te trompe ma reine....Il y a tout à y voir ici.Tient...Cette racine par exemple...Elle est peut-être CENTENAIRE!

Mon sourire s'agrandit, je ne sais pas vraiment quoi penser. Mais j'aime bien.. Lui aussi, il est bizarre.. Différent.

-Tu chvoit?Che caillou là..Y'a peut-être un de t'es anchètre qui à piller dechu,ou...

Il se tut, et eu l'air dégoûté. Avant qu'il ne dise quoique ce soit, je devine ses pensées et ris comme jamais. Je ne me soucie plus des autres, s'ils m'entendent, si je les énerve. Je n'en ai rien à faire.

-Ou bien..Y'a quelqu'un qui a fait pipi dessus...

Je parviens à entendre. Je souris encore, décidément, il ne quitte plus mes babines ! Je tire aussi la langue, un peu dégoûtée.

- Tu as peut-être raison.. Toi aussi, t'es bizarre. Mais c'est bien, de ne pas leur ressembler.. Enfin, tu vas pas me manger, hein? je rigole, encore.

Mon regard accroche le sien, en réalité, je commence à croire qu'il y a peut-être des personnes avec qui je pourrai m'entendre !

- Merci.

Avec ce mot, je le remercie d'être si gentil, de me faire oublier un peu ma vie pas toujours très belle. De me montrer, que moi aussi, je peux sourire, rire, qu'il y a toujours quelque de positif.

Je réalise que nous sommes proches, nous nous touchons presque. Mes oreilles se redressent. Et je baisse un peu la tête. Je souris, gênée. Enfin, je ne sais pas si c'est de la gêne. Je n'écoute plus vraiment sa réponse, je capte quelque mots. Mais mes yeux, eux, ne ratent pas une miette de la scène. Sa gueule s'ouvre et se referme. Je suis ailleurs, dans mes pensées.  

Lorsqu'il grogne, je sursaute. Et me recule. Il y a en moi une drôle de sensation, je me sens nerveuse, ou alors c'est de la peur, je ne sais pas. Et d'un coup, il éclate de rire. J'avance alors. Et ris avec lui. Je suis vraiment stupide parfois. Je lui souris, et plisse les yeux. Il pleure presque, ça fait vraiment chaud au coeur de voir cette joie de vivre quasi omniprésente chez lui.. Ça le rend magnifique.

-Ce n'est rien voyons.~Tu me fait sourire aussi,c'est l'important.  

Je roule les yeux, toujours souriante. Il s'approche et se colle à moi, pour me faire avancer. Puis, me devance et trottine joyeusement. Je suis un peu plus lente, mais cela m'amuse de voir qu'il regarde derrière lui, et chaque crevasse qu'il voit. Il n'y a personne à part nous ici, alors c'est inutile de vérifier. Je voulais parler, répondre, mais sa voix a ensevelit mon premier mot, beaucoup plus forte et ardente que la mienne.

-Alors...tu est déjà venue...Là-bas?Là où j'habite?  

Je ralentis légèrement perdue.. Non. Je n'y suis jamais allée. Mais j'y ai déjà songé. Aller y vivre, découvrir un autre monde, pourquoi pas m'y plaire ? C'est la première fois que je me l'avoue, mais cette idée a déjà tourné en boucle dans mon esprit. Je remarque que je me suis arrêtée, et qu'il est déjà plus loin. Je le rattrape en courant, en passant devant lui. Devant moi, je peux voir le bout du passage. Alors, mes pattes s'arrêtent automatiquement. Et je me retourne, souriante mais un peu mal à l'aise :

- Non, je n'y suis jamais allée. Pourquoi ?

Je n'évoque pas mes doutes, ni mes pensées. Je reste toujours réservée, mais continue de sourire. Je ne sais pas s'il remarque ma gêne.

- T'a envie d'aller voir?

Il se gratte, puis m'observe. Bien sûr, j'en MEURS d'envie ! La lumière m'appelle, m'attire comme un aimant. J'ai l'impression que tout mon corps, mon cœur, me hurle de me jeter vers l'avant. Et ça brûle, de plus en plus fort. Je me hais d'avoir autant envie de trahir les miens. Les miens. Les miens.. Mais qu'ont-ils fait pour moi ? Rien. Pourtant, je leur suis fidèle, toujours. Je ne peux pas aller là-bas puis revenir pour voir Toxic. Ça m'est impossible.

- Dit...tu serait pas nerveuse par hasard?

Je le regarde, droit dans les yeux :

- Si. Parce que je ne peux tout simplement pas y aller. Je te l'ai déjà dit ! Je ne peux pas aller chez toi, puis revenir chez moi. Les miens me...

tueraient. Ils me tueraient sans pitié, une de plus ou de moins, on s'en fiche ? Mais je ne suis pas sûre de pouvoir apprécier cette petite prison dorée, car du peu que j'en ai aperçut cela ne me conviendrait pas, et l'esprit que je me faisais des meutes ne correspond pas tout-à-fait avec leur version.

- De plus, je ne serais pas bien vue ! Imagine ! Une simple tarée qui a vécu enfermée avec des barbares dans le noir.. Ils se méfieraient tous de moi et me feraient vivre l'Enfer. Je ne crois pas vraiment aux belles paroles de ton chef.

Je lui souris doucement, j'espère qu'il comprend et qu'il ne m'en veut pas..